« Personne n’éduque personne, personne ne s’éduque seul, les individus s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde » Paulo Freire
C’est par cette citation que Christian Rouch prenait la parole le 31 janvier dernier en ouverture du Comité départemental pour des politiques éducatives concertées. Il parlait au nom des associations d’éducation populaire, têtes de réseau, ayant une implantation départementale et membres de « Territoires Educatifs 09 ». Voici ici l’intégralité de son discours.
Les Fédérations d’éducation populaire. C’est quoi, ça sert à quoi ?
Permettre l’émancipation, l’accès au savoir, la culture, s’exercer à la citoyenneté, concrétiser les idées de justice, de solidarité, d’humanisme et surtout agir en coopération, en concertation.
Notre posture est d’accompagner, aller au-delà de la transmission, de la capacité à convaincre, c’est d’accompagner une évolution personnelle et/ou collective, objective. Le point de départ est l’endroit où sont les gens et non pas là où nous voudrions qu’ils soient
Partir de nos réalités, les analyser, nous nourrir de savoirs pour mieux les comprendre, le tout dans l’objectif de revenir à nos réalités pour agir, lutter, créer, transformer. Reprendre puissance sur nos réalités et notre capacité à agir : nous organiser collectivement, ne pas déléguer à un petit cercle la responsabilité de montrer le chemin ou d’administrer nos structures ou de piloter seul une plate -forme éducative.
Notre capacité à être critique à l’encontre des « institutionnels », contribue aussi à notre manière à la vie du mouvement. Car l’éducation populaire, avant de refaire surface à la fin des années 90, a connu une sacrée zone de turbulence. Dans les années 70 et 80, elle a été affaiblie par l’effondrement des grands courants idéologiques [marxisme, communisme, christianisme…] mais aussi par la libéralisation du secteur des loisirs, qui était son fer de lance. A cela s’est ajoutée une indifférence croissante des pouvoirs publics et une vassalisation progressive des acteurs, traités comme des prestataires de services par les collectivités.
Quid des querelles ? L’éducation populaire a toujours été un mouvement hétérogène, un fleuve constitué de plusieurs rivières. Scouts, communistes, francs maçons, cathos sociaux, anarcho-libertaires… Cette pluralité la constitue.
Une pluralité qui a du pain sur la planche. L’époque n’est pas avare de défis. Plusieurs enjeux dominent : le rapport à l’information et au savoir ; la transition écologique ; la vie numérique (vie privée, citoyenneté en ligne, accès aux services publics et à une culture partagée), le droit aux enfants et aux jeunes d’avoir un accès à la culture, aux loisirs, aux sports, dans leurs temps dits « libres »
Un autre front, plus fondamental, consistera à regagner la fameuse autonomie perdue. La municipalisation de l’éducation populaire a fait des dégâts, tout comme le mode de financement par délégation de service public.
Le fonctionnement par appel d’offres condamne la liberté d’initiative des associations. Il génère une obligation de résultat, une pression budgétaire et une concurrence malsaine qui sont incompatibles avec les ambitions de l’éducation populaire.
Pourquoi les fédérations d’éducation populaire au sein de Territoires Educatifs et dans le PEC
Les fédérations en Ariège et notamment celles qui disposent d’un ancrage local avec un siège départemental, des associations locales, en prise directe avec les bassins de vie sont à l’initiative des premiers Contrat Educatifs Locaux.
C’est à ce moment-là que la prise de conscience généralisée d’une nécessaire co-éducation s’est faite.
Cette capacité de mettre les gens autour de la table (parents, jeunes, animateurs, enseignants, éducateurs, travailleurs sociaux, élus…) pour réfléchir ensemble à un projet éducatif concerté. C’est l’ADN de nos fédérations.
Les P.E.L. ont changé de nom pour devenir des P.E.d.T. Pour autant, es démarches éducatives concertées sont toujours là.
La plate-forme Territoires Educatifs est installée. Elle représente la liaison nécessaire au bon fonctionnement des divers éléments au premier desquels il faut citer les fédérations, Les institutions, les élus et les coordonnateurs complétant la plate-forme.
Les fédérations représentent
- 40 000 personnes (enfants, jeunes, parents, pratiquants, professionnels, stagiaires, retraités… accueillies dans 312 associations ou structures locales fédérées
- 685 bénévoles
- 330 salariés
- Une implantation dans l’ensemble des 8 intercommunalités
- Des démarches permettant l’accès aux sports, à la culture, aux loisirs
- Des projets inclusifs mais aussi en direct de la protection de l’enfance, de la prévention, de la parentalité de l’accompagnement associatif
Notre responsabilité est d’accompagner et/ou d’être à l’initiative de tout projet, toutes actions qui favoriseront le progrès humain.
Cette responsabilité nous oblige et nous demande d’être, ensemble, dans un espace bien identifié au sein de T.E., dans un but d’intérêt général avec un regard positif des autres acteurs sur l’intérêt d’avoir des Fédérations avec eux. Cet espace partagé permet aussi l’implication et la connaissance des territoires au plus près de leur bassin de vie, grâce à un ancrage local fort.
Cela induit donc que des prises de décision par des entités trop éloignées géographiquement et/ou trop déconnectées d’une réalité locale, deviennent inopportunes.
Pour terminer, à notre avis, il faut :
- Que ce qui a été construit localement par des fédérations continue à être un espace dans lequel elles ont leur place dans un processus décisionnel
- Redéfinir le lien entre tous les acteurs du P.E.C.
- Sans doute ouvrir la porte à d’autres acteurs locaux de l’Education Populaire
- Tenir compte de la parole commune et forte des Fédérations dans un processus décisionnel et/ou de gouvernance.
« Instruisez-vous parce que nous aurons besoin de toute votre intelligence. Agitez-vous parce que nous aurons besoin de tout votre enthousiasme. Organisez-vous parce que nous aurons besoin de toute votre force. »
Antonio Gramsci