Portrait du mois : Alys Planès suscite l’étonnement

  • 14 février 2024
  • Elus - Enseignants - Jeunes - Parents - Professionnels de l’animation

Actualités du réseau Portrait

« Territoires Éducatifs 09 », c’est un réseau d’acteurs territoriaux, institutionnels et associatifs de l’enfance et de la jeunesse. Réseau qui s’élargit au fil des projets, des actions, des réflexions, des problématiques abordées et des évolutions souhaitées.
En se croisant au sein des instances qui animent le réseau, les acteurs se découvrent parfois et créent des liens. Ils deviennent ainsi ressource les uns pour les autres, au bénéfice des enfants et des jeunes du département.

Denis Cochetel, notre précédent portrait, a choisi ici de présenter Alys Planès, psychologue à la Maison des adolescents (MDA), sous forme d’une interview.

Ton parcours : qu’est ce qui t’a amenée à devenir psychologue à la Maison des Adolescents en Ariège ?

Après un Master en Psychologie du Développement de l’Enfant et de l’Adolescent à Toulouse, je suis venue m’installer à Saint-Girons et j’ai eu la chance de répondre à une offre d’emploi à la Maison des Adolescents de l’Ariège qui correspondait vraiment à ma spécialité d’étude et à mes envies professionnelles. Il s’agissait de développer un projet portant sur la question des jeunes aidants et sur les conseils de ma tutrice de stage, j’ai postulé à cette offre avant la fin de mon cursus universitaire, et j’ai commencé à la MDA en septembre 2021 à l’antenne de Saint-Girons, qui s’est ouverte avec mon arrivée.

Pourquoi l’Ariège ?

Après 5 ans à Toulouse, j’avais besoin de me rapprocher de la nature, des montagnes, je suis issue du milieu rural et j’aspire à y habiter.

Tu peux me décrire la mission de la Maison des Adolescents de l’Ariège, en quelques mots ?

C’est un lieu d’accueil, d’écoute anonyme, confidentiel et gratuit pour les jeunes de 11 à 25 ans, et pour leur entourage familial. C’est un espace où l’on trouve une équipe de professionnels (agents d’accueil, infirmières, éducateurs, psychologues, pédopsychiatre).
Il y a donc l’antenne de Saint-Girons et celle de Foix mais qui font partie de la même Maison des Adolescents, celle de l’Ariège. L’idée est vraiment d’offrir un espace chaleureux et accueillant à destination des jeunes pour qu’ils puissent venir dans un endroit parler de ce dont ils ont envie, de différents thèmes qui peuvent les traverser en tant qu’ados ou jeunes adultes : le rapport au corps, la scolarité, la vie professionnelle, la famille, la relation aux autres, etc. On souhaite « dé-stigmatiser » l’offre de soins : avant de se définir par un métier, les professionnels sont tous et toutes des accueillants/écoutants.
Notre but est de montrer qu’il est facile de venir nous voir, même si nous sommes un service de l’hôpital*. Il y a une MDA par département en France, pas forcément rattachée à un hôpital, elles peuvent être portées par une association ou un département par exemple. L’idée reste de pouvoir contacter des professionnels de santé de manière très accessible et que l’on puisse réagir de manière réactive pour respecter la temporalité de l’adolescent. Donner un rendez-vous pour dans 6 mois n’aurait pas de sens avec la spontanéité et l’immédiateté des besoins des adolescents. On fait aussi des ateliers à destination des scolaires, des professionnels sur différentes thématiques notamment celle des jeunes aidants, qui reste encore peu connue.

*la Maison des Adolescents de l’Ariège est un service appartenant au Centre Hospitalier Ariège Couserans

Les jeunes aidants, en une phrase et un chiffre ?

Les jeunes aidants ce sont des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qui aident un proche, ou des proches, avec une problématique de santé qui engendre une perte d’autonomie et nécessite une aide régulière (proches malades, en situation de handicap…etc). Pour le chiffre, celui qui parle est de dire que les jeunes aidants représentent 3 élèves par classe dans l’enseignement secondaire en France. Sur radio Transparence, et en podcast, retrouvez l’épisode numéro 19 de l’émission “Pouvoir d’agir” dédiée à cette thématique.

C’est quoi la première réaction des gens quand tu dis que tu es psy ?

(Elle rigole). Ce n’est pas une réaction verbale, je le vois plutôt dans le regard ou dans la réaction du visage, un étonnement peut-être… Et du coup une sorte de méfiance mais ça dure très peu de temps… C’est dû aux idées reçues du métier de psychologue, on pense « elle va lire dans mes pensées, m’analyser… » Alors qu’absolument pas ! L’étonnement est lié à mon âge peut-être aussi, on ne s’attend pas à ce que je sois psy, on pense peut-être que je suis trop jeune pour l’être.

C’est quoi pour toi être psychologue ? Comment tu le voyais avant d’exercer, par rapport à ce qu’il en est réellement ?

Je n’ai jamais eu de méfiance, c’est toujours un métier qui m’a attiré.
Mon rôle de psychologue va dépendre de là où je travaille, du service dans lequel je me trouve, du lieu d’exercice. Le psy doit apporter un soutien, aider la personne à mobiliser ses propres ressources. Faire en sorte que la personne ne soit jamais dépendante de toi. On doit accompagner la personne à développer son autonomie à elle. Le psy doit exister dans un espace psychique, qu’on appelle transitionnel. La personne peut par la suite le mobiliser seule.
Le psy doit amener la personne à créer sa zone de sécurité, qu’elle puisse explorer avec un soutien à la pensée. On n’est pas là pour penser pour l’autre, c’est lui qui sait mais il doit nous faire supposer quelques savoirs sinon il ne s’adresserait pas à nous.

Si tu n’étais pas psychologue tu serais…

Maîtresse d’école ou… (elle marque un temps d’arrêt) souffleuse de verre. Je trouve ça magnifique.

Pour continuer avec la question traditionnelle des portraits, tu peux me citer une date ou une époque marquante pour toi ?

Mon arrivée à Toulouse, en 2016, est une date qui m’a marquée, le début de ma vie de jeune adulte, l’indépendance que ça permet… J’aurais pu citer le début de ma carrière professionnelle aussi. Après, si j’étais une époque ce serait les années 70, j’ai l’impression que tout était possible, j’ai une idéalisation de ces années-là… On ne se prenait pas la tête, une forme d’insouciance, que je ne retrouve pas dans notre époque. Ou l’Antiquité, j’ai la sensation que c’est le fondement du vivre-ensemble, des lois qui régissent notre société actuelle.

Quelqu’un qui t’inspire ?

Simone Veil, sa vie et ses combats m’ont particulièrement touchée.

Si tu étais un paysage…

Le Caroux dans l’Hérault, près de là où j’ai grandi et j’aime bien aussi les paysages de l’Italie, entre mer et montagne. 

Pour finir, un rêve?

Faire le tour du monde. Pas forcément dans un but touristique, plutôt pour aller à la rencontre de l’autre, donner de ma personne, s’engager auprès d’une cause ça me semble important, vivre sans attaches… Enfin… Je sais que j’ai suffisamment d’attaches qui me permettent d’envisager ce projet-là, plutôt !

Et une colère ?

La vision que l’on porte sur la jeunesse qui est souvent dévalorisante, on dit que les jeunes ne font rien… Mais ça aide quelque part les jeunes à se révolter et à faire, à dépasser le regard que l’on a sur eux puisque ce regard a toujours existé.
Encore plus actuellement au vu du contexte environnemental et sociétal, je trouve que le regard sur la jeunesse est dur, ce n’est pas facile de pouvoir avancer et se projeter dans ce monde là actuellement.
Je n’ai pas l’impression qu’on aide les jeunes à se projeter, parce que notre regard est dévalorisant. Je trouve les jeunes actuellement très ouverts d’esprit, encore plus que ce que je l’étais au collège, alors que c’était il n’y a pas si longtemps !

La vision négative que l’on porte sur la jeunesse, c’est ce que tu changerais si tu avais une baguette magique ?

Non pas forcément, parce que si l’on a toujours porté ce regard sur la jeunesse, c’est qu’il y a une utilité, je pense que ça permet aux jeunes de s’affranchir de cette vision, ça les pousse à agir justement.

Portrait et interview réalisés par Denis Cochetel