Portrait du mois : Agnès Fasan, plusieurs vies en une

  • 15 juin 2021
  • Elus - Enseignants - Jeunes - Parents - Professionnels de l’animation

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Il est des personnes pour lesquelles nous sommes directement amenés à nous demander comment elles font pour mener leur quotidien tambour battant, en permanence.

Ces mêmes personnes qui semblent avoir un surnaturel pouvoir qui les amène à être partout à la fois, à mener sans impairs plusieurs dossiers de front, à répondre oui à tout sans jamais se défiler, à n’avoir peur de rien, à rester en permanence droites dans leurs bottes, à ne jamais renier leurs idéaux…
Ceux et celles qui la connaissent bien n’auront pas peur de dire qu’Agnès Fasan est une de ces personnes-là !

Une famille engagée

Agnès, elle s’est construite dans l’engagement, presque le combat pourrait-on dire parfois.
Petite fille d’immigrés, elle s’est très tôt sentie le devoir, la responsabilité de porter cette voix en tant que femme.
Une voix d’autant plus facile à faire entendre qu’Agnès dispose d’une autorité naturelle, une capacité à embarquer derrière elle, à être le porte-parole des autres, mais toujours de manière bienveillante ; déjà à l’âge de 6 ans elle portait la parole de ses copines au club de gym ou à l’école.
Une autorité naturelle qui n’a pas eu de mal à s’installer compte tenu de son environnement familial. Une mère enseignante, engagée, adjointe au maire à la mairie de Colomiers, un père directeur de la chambre d’agriculture et président et militant à la fédération Léo-Lagrange, un cadre familial général très structurant sans jamais être trop contraint, de très bons résultats scolaires, des voyages dès son plus jeune âge qui l’ont rapidement amenée à maitriser plusieurs langues, une éducation qui lui a très vite donné une extrême confiance en elle et qui l’a conduite à revendiquer très tôt son indépendance, à affirmer sa place. Il faut dire aussi que la présence de trois frères à la maison, dont deux ainés, a également largement contribué à ce dernier aspect.
La famille c’est son pilier, son repère, son garde-fou, sa boussole. Toujours soudés même si tous très indépendants.

Petit détour par l’Allemagne

Armée de la sorte, Agnès a été très tôt à même de dire que réussir pour elle c’était synonyme de faire ce qui l’intéressait ; aller là où elle savait qu’elle aurait des choses à dire mais aussi où elle pourrait écouter pour apprendre dans une relation de réciprocité.
C’est ainsi qu’obtenant le BAC jeune elle partira en Allemagne, pays dont elle maitrisait déjà la langue.
Des études littéraires (elle ira jusqu’au DEA) réalisées entre la France et l’Allemagne lui permettront d’exercer en tant que traductrice, mais également en tant que maître de conférence autour de sa spécialité : « la littérature allemande féminine entre les deux guerres ».
En tant que traductrice au sein des instances européennes en France et en Allemagne elle aura du mal à accepter de traduire des propos qui ne correspondent pas à ses valeurs ; en tant qu’enseignante elle aura l’impression qu’il lui manque quelque chose, le sens donné à son métier certes, mais aussi le collectif, dimension qu’elle avait eu l’occasion d’appréhender au sein de projets menés avec l’OFAJ (Office Franco-Allemand pour la jeunesse) notamment ou avec diverses autres organisations bi-gouvernementales.

Retour en France avec l’Education Populaire

Alors c’est tout naturellement qu’à son retour en France, elle s’est tournée vers l’Education Populaire. Un premier poste aux Foyers Ruraux du Haut Rhin, puis un retour aux sources pour rejoindre son conjoint dans le sud où elle sera très vite embauchée au sein de la Fédération Léo Lagrange.
Des missions de coordinatrice territoriale qu’elle a occupées, Agnès a contribué, au sein de la fédération Loisirs Education et Citoyenneté Grand Sud, à la naissance de celle d’agent de développement : une vision plus distanciée du territoire, une approche plus globale mais articulée, une interface entre politique et technique.

Une femme de terrain

Ce qui lui plait c’est la créativité, le partenariat, l’ouverture sur tous les possibles, le pilotage politique, la distanciation mais tout en gardant un lien fort au terrain, l’accompagnement des équipes, le développement des structures est son fer de lance, la promotion des valeurs de la république et du principe de laïcité.
Il faut dire que ses missions en Ariège l’ont amenée à côtoyer des personnes engagées, des femmes notamment, dont nous tairons le nom en ces périodes électorales, mais qui ont incontestablement enrichi sa vision du territoire, du faire territoire.
Le mandat politique, elle n’a jamais voulu franchir le pas. « Chacun à sa place dira-t-elle ! Moi, la mienne c’est le terrain, c’est l’aide à la décision, c’est l’accompagnement au changement, c’est l’innovation, c’est l’émancipation. »
Pour elle les métiers de l’éducation populaire sont des métiers d’engagement, de transmission de valeurs, de partage. Elle regrette seulement qu’aujourd’hui ce ne soit pas forcément les premières motivations des personnes qui occupent ces métiers, qui doivent pourtant contribuer au changement de notre société.

Innovation et intelligence collective

Elle a de l’espoir pourtant. Parce que, pour elle, les jeunes, à qui l’on reproche souvent de ne pas s’engager, le sont pourtant dans des configurations autres que les nôtres et avec des modes d’expression différents.
Ce qui la tire vers le haut aujourd’hui dans son métier, c’est justement le croisement avec « des plus jeunes » qui maitrisent des techniques différentes mais dont le croisement avec ses idées, avec ses propres compétences, produit de l’innovation, de l’intelligence collective, des méthodes collaboratives stimulantes et efficientes.
Et puis ce qui la fait avancer c’est aussi ses projets de demain, qui n’auront peut-être rien à voir avec tout ça. Elle sera en effet sans doute amenée à accompagner son mari, restaurateur, dans ses projets de développement, ce qu’elle fait d’ailleurs déjà amplement dans sa vie actuelle, mais qui pourrait s’accélérer.

Ses secrets ?

Entretenir des amitiés fidèles, dormir très peu, mettre les mains dans le cambouis, combattre les préjugés, ronger des os en permanence, se donner à fond dans son travail comme auprès des siens, auprès de sa fille notamment pour qui le mot engagement n’a déjà plus de secret. Une transmission qui ne nous étonnera aucunement après cette interview particulièrement engagée !

Interview réalisée par Nadine Bégou