Animatrice, enseignantes, grand-mère, elles témoignent…

  • 20 avril 2020
  • Elus - Enseignants - Jeunes - Parents - Professionnels de l’animation

Actualités des territoires Covid-19

Nous avons recueillis le témoignage de Nadège, animatrice à Pamiers, de Lucie et Aurélie, enseignantes à Sentein et Patricia, grand-mère en Couserans.

De gauche à droite : Patricia, Aurélie et Nadège

Témoignage de Nadège LETELLIER, animatrice ALAE à Pamiers

Pour ma part, je suis venue encadrer les enfants de personnel soignant, à l’école des CARMES, pendant la semaine du 24 au 27 avril, avec plaisir, puisque c’est un travail que j’aime et que c’est en plus la satisfaction de me changer les idées en cette période de confinement et d’apporter un peu de légèreté aux enfants qui ont nécessité à être « gardés » par nos soins.

Des blouses, gants, masques et gel hydro alcoolique, étaient en nombre et quantité suffisante, si bien que je me suis sentie tout à fait en « sécurité ».

En relativisant tout de même sur le « risque encouru » car les enfants se contaminent entre eux (contacts inévitables, pas de masques pour eux) mais ma famille avec qui je suis confinée et moi-même ne sommes pas parmi les personnes dites « à risque ».

J’ai mis en place des activités de motricité avec des parcours et tapis Des jeux chantés, Des jeux extérieurs, sportifs et d’adresse, des jeux de devinette, des jeux de dessin, des jeux de société, des jeux musicaux. Les repas fournis par les familles n’étaient pas d’une gestion aisée : prise de température et acheminement vers le frigo de l’étage inférieur, puis réchauffage de chaque Tupperware au microonde… repas différents et inégaux en qualité nutritive et variété… mais bon, cela n’était pas le plus important dans ces circonstances.

La sieste a pu être respectée avec des lits que nous avons attribués aux enfants pour la période.

L’échange avec les enseignants était bien agréable ; on sentait qu’on faisait « équipe ». Des échanges qui nous ont permis de faire le lien sur les différents temps des enfants et pour les accueillir au mieux.

Ils étaient 8 en moyenne, l’attention était donc individualisée, et je crois qu’ils appréciaient particulièrement ce fait : ne pas être noyés dans la masse et vivre une relation privilégiée avec l’adulte. De fait ce petit effectif nous a rendu particulièrement disponibles, et sereins dans un travail tant que possible attentif et de qualité.

L’autorisation « permanente » m’a permis de circuler facilement sans avoir à réécrire une autorisation pour chaque déplacement.

Interview de deux enseignantes au cœur de la crise sanitaire Covid 19

Aurélie et Lucie enseignent dans la petite école de Sentein dans la belle vallée du Biros. Elles ont 28 élèves.

Aurélie a les élèves de 3 à 6 ans, maternelles de la petite section à la grande section ainsi que les élèves de CP. Lucie a les élèves de 7 à 11 ans du CE1 au CM2.

Elles ont donné un peu de leur disponibilité pour répondre à cet interview et nous faire partager leurs expériences, ressentis et pratiques dans ce contexte particulier de confinement où chacun est mis à contribution pour réinventer et mettre en pratique de nouvelles façons de faire.

A noter qu’elles sont également Mamans à temps complet…

L’idée de départ est qu’elles nous fassent partager un peu de leur quotidien professionnel bouleversé, leurs pratiques, leurs questionnements, constats et réflexions…ainsi que des ressources, par exemple, pour elles qui sont aussi parents “professeur/animateur” par la force des choses avec leurs enfants.

Patricia : Quelle a été votre méthode de travail avec vos élèves pendant les 2 semaines avant les vacances?

Lucie (CE/CM) : Le programme est envoyé aux enfants par mail chaque semaine. Des exercices sont donnés à partir des fichiers des élèves, afin de ne pas discriminer les parents qui ont peu de connexion, pas d’imprimantes…

Aurélie: les élèves sont partis avec des révisions, notamment pour tous les sons connus en lecture et des jeux mathématiques déjà imprimés pour les mêmes raisons. Je ne voulais pas demander aux parents de construire de nouvelles notions, en mathématiques surtout.

Patricia : Avez-vous des échanges avec les élèves, avec les parents, des retours par rapport à vos propositions, des questions ?

Tous les parents peuvent nous joindre sur nos portables et par mail s’ils ont besoin d’explications, de corrections… Un mail est demandé aux élèves (un par semaine) pour faire un retour sur la semaine passée. 

Lucie : j’ai beaucoup de retours.

Aurélie : j’en ai beaucoup moins pour les maternelles.

Patricia : Que ressentez- vous par rapport à ces retours ou non retours?

Aurélie : Comme toujours, pour certains, beaucoup de retours, pour d’autres pas assez.

Parfois, cela peut être un peu frustrant, par exemple j’avais envoyé un poisson d’avril et je n’ai eu aucun retour…

Quoi qu’il en soit, il semble que chaque famille essaie de bien faire et d’enseigner à leurs enfants.

Patricia : Avez-vous utilisé des pratiques “innovantes” que vous souhaitez partager?

Aurélie : Non, pas d’innovations, nous aurions pu nous tourner vers les nouvelles technologies, mais comme tous les parents ne sont pas équipés… Par contre ce n’est pas une innovation, mais j’observe en tant que maman le retour du courrier écrit puisque  mon fils a reçu deux courriers de camarades et je pense qu’un petit réseau postal est en train de se constituer!

Patricia : Pensez-vous que certains facteurs peuvent générer des inégalités dans l’accès aux apprentissages scolaires pour les enfants dans cette période particulière, les accentuer?
Ressentez-vous ces différences potentielles pour vos élèves?

Aurélie : Oui, accès aux ressources internet, investissement des familles en temps, en compétences. La situation des enfants en situation de handicap nous questionne beaucoup, enseigner c’est un vrai métier et même si les parents essaient de faire au mieux, ils n’ont pas toutes les astuces des enseignants. D’autant plus que les enfants ne se comportent pas toujours de la même façon avec leurs parents et leurs enseignantes (je l’ai vécu)

Patricia : Pour vous, mamans, enseignantes, que diriez vous de votre organisation cumulée de mère au foyer, maman accompagnant la scolarité de son enfant, enseignante qui prépare le travail de ses élèves et de plusieurs niveaux de classe …, que ressentez-vous?

Aurélie : Les premiers jours ont été chargés le temps que tout le monde trouve son rythme, enseignantes / mamans, enfants, parents. Cela s’est un peu apaisé. Notre organisation et notre habitude du multi niveaux nous laissent du temps pour nos propres enfants, cela n’est pas le cas de nombreux collègues qui travaillent beaucoup plus que pour une journée de classe normale, mais je pense aux parents qui doivent travailler à l’extérieur et en télétravail et doivent courir après le temps pour tout assurer.
En tant que maman enfin, tous les professeurs de collège ont proposé des activités, et selon les professeurs, les demandes sont plus ou moins élevées, je me questionne donc sur le retour en classe, les écarts risquent d’être encore plus marqués.

Patricia : Est-ce que vous continuez à proposer du travail aux élèves pendant ces vacances scolaires ou bien vous reprendrez à la rentrée?

Aurélie : Non, tout le monde avait besoin de vacances et de se changer les idées, pas de travail pour nous.

Lucie : j’ai demandé aux élèves de finir ce qu’ils n’avaient pas terminé.

Patricia : Est-ce que vous envisagez de changer votre façon de faire à partir de la rentrée? Si oui, pourquoi?

Aurélie : oui pour les CP / maternelles, il va falloir démarrer l’apprentissage de nouvelles notions, nous ne savons pas quand aura lieu la reprise et il faut bien avancer dans les programmes. Le point positif est que nous serons là aussi l’année prochaine (enseignantes et élèves), et que nous reprendrons les notions essentielles afin de ne pas créer d’inégalités.

Patricia : Y a-t-il d’autres réflexions que vous souhaitez partager ?

Aurélie : C’est difficile pour moi de me positionner sur la quantité et la forme de travail à donner, il est difficile je trouve d’imposer, mais sans imposer, on ne sait pas trop ce qui est fait. Certains adorent travailler, d’autres moins.

Dans ce climat insolite et anxiogène, je pense que la priorité ce ne sont pas les apprentissages mais le bien être des enfants et la paix des familles.

Merci à vous d’avoir bien voulu «jouer le jeu» et répondre à mes questions, bonne continuation à toutes et à tous.

Interview réalisée par Patricia Pouvreau, Cheffe de secteur enfance-jeunesse et coordonnatrice PEDT sur le bassin de vie du Castillonais – Communauté de communes Couserans Pyrénées.

Paroles de grand-mère

J’ai eu l’occasion d’accompagner deux de mes petits enfants pendant les deux premières semaines du confinement. J’ai beaucoup aimé partager ces moments privilégiés avec eux. Evidemment, ce n’était pas facile tous les jours de se mettre au travail et de rester concentré mais cela a assez bien fonctionné.

Il y a quand même eu des moments où l’on a reporté la séance à plus tard ou au lendemain. On est plutôt allés continuer la cabane…et en construisant une cabane, on apprend aussi !

Je pense malgré tout que les enfants ont bien compris le côté bien particulier de cette période et qu’ils ont une grande capacité d’adaptation. Cela demande aux adultes de faire preuve de patience, de pédagogie et de disponibilité, de s’organiser.

Mais il faut avoir conscience que le plus important est le bien-être de chacun. Ce n’est pas toujours facile de prendre le temps pour tout et de vivre ce moment le mieux possible.

Ce qui m’a semblé important était de créer un petit rituel autour de ce temps de travail :

  • Choisir ensemble le moment auquel on allait commencer : se donner un rendez-vous
  • Prendre un nouveau cahier sur lequel l’enfant travaille pour toute la période de confinement
  • S’installer dans un lieu tranquille qui n’est pas la pièce de vie principale de la maison
  • S’accorder sur la durée du temps de travail

Et puis, j’ai remarqué que si je partageais également des temps de jeux avec mes petits enfants, c’était plus facile ensuite de partager les moments de travail. Il y avait un équilibre dans la relation et une complicité renforcée.

J’ai beaucoup apprécié le travail élaboré des deux enseignantes qui ont su aménager un programme ponctué de moments plus ludiques comme des devinettes, des défis, la lecture de poèmes, l’écoute de chansons, stimuler le côté créatif des enfants, les inciter à partager leurs créations et leurs idées, à communiquer avec elles et leurs camarades…

J’ai remarqué que cela demandait un engagement important de l’enfant et de l’accompagnant, une régularité et un suivi, une bonne capacité d’adaptation, une bonne dose de patience pour tous. Mais si nous, les adultes y prenons plaisir, nous arrivons d’autant plus à transmettre ce plaisir aux enfants.

Les enfants sont tous différents, de même pour les parents, ou les grands parents, et c’est certain qu’à la fin de cette période de confinement, chacun aura vécu cela à sa manière et en ressortira grandi.

Patricia